« Toi qui es lumière, toi qui es l’amour, mets dans nos ténèbres ton esprit d’amour ».

Homélie de père Jacques Pineault de Scourmont (Avent 2024).

Frères et sœurs, en ce 4e dimanche de l’Avent, nous sommes à quelques jours de Noël. Comme chaque année, nos villes et nos villages ont déjà pris un air de fête. Toutes ces lumières qui illuminent les rues et les maisons c’est quelque chose de magique. Malgré les problèmes économiques et autres, on se prépare à faire la fête. Des associations s’organisent pour que cette joie soit partagée avec les plus démunis. Noël sera aussi fêté dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les prisons. Chaque année, des hommes et des femmes de bonne volonté s’organisent pour que cette joie de Noël soit offerte à tous.

Le problème, c’est que chaque année, pour tout un chacun, on oublie de plus en plus le vrai sens de Noël. On ne pense plus à Celui qui est au centre de cette fête. Les textes bibliques de ce dimanche viennent remettre la fête de Noël à l’endroit. Si nous sommes dans la joie, c’est d’abord à cause d’un heureux événement. Noël, c’est avant tout la naissance du Christ sauveur. En lui, c’est Dieu qui vient à nous pour nous dire tout l’amour qu’il nous porte. Et pour que nous n’ayons pas peur de lui, il se fait tout petit enfant. C’est là le vrai cadeau de Noël que Dieu nous fait. « Il a tellement aimé le monde qu’il nous a envoyé son Fils unique » (Jn 3,16). Par rapport à ce don extraordinaire, tout le reste c’est de la pacotille, des choses qui passent ou qui se froissent comme le papier d’emballage des cadeaux de Noël.

C’est ce message que nous transmettait le prophète Sophonie (So 3,14-18) dimanche dernier. Il s’adressait à un peuple démoralisé « qui se traînait à travers l’immense désert ». Au cœur de cette douloureuse épreuve, il lui adressait des paroles très fortes : « Pousse des cris de joie… Réjouis-toi… Bondis de joie… » (So 3,14). La raison de cette joie, c’est la présence de Dieu au milieu de son peuple. Les accusateurs et les ennemis disparaîtront. Dieu restera. Il est « Dieu avec nous », Dieu en nous.

Le prophète Michée aujourd’hui (Mi 5,1-4) s’adresse à ce même peuple humilié par ses ennemis et il lui annonce le salut. Ce salut ne viendra pas d’une capitale orgueilleuse et pervertie comme Jérusalem. Il viendra d’un petit village de rien du tout. C’est de Bethléem, terre du royaume de Juda, que naîtra le Sauveur, libérateur du monde et roi de l’univers. Michée fait prendre conscience au royaume d’Israël de son incapacité à se sauver seul et de l’inutilité de faire confiance à d’autres divinités. Car Dieu donne sa force au plus humble. C’est dans ses habitudes ; avec ce qui est petit et méprisé, il réalise de grandes choses. Il ne fait pas appel aux sages et ni aux savants mais aux petits et aux humbles. C’est à eux qu’il s’adresse pour transmettre au monde les messages les plus importants (pensons à Bernadette de Lourdes, la plus ignorante de sa ville, et pourtant Lourdes est toujours visitée par des millions de pèlerins).

La lettre aux Hébreux (Hb 10,5-10) nous apporte quelques précisions sur ce Messie dont nous allons célébrer la naissance. Il est l’envoyé de Dieu. Il s’offre lui-même pour accomplir la volonté de Dieu. En s’incarnant, il accepte une condition humble et méprisable. Il n’est pas né comme un roi de ce monde, mais comme un SDF, dans une étable. Nous sommes loin de toute cette agitation commerciale qui imprègne nos festivités de Noël. Nous devons comprendre que Noël, c’est d’abord une bonne nouvelle pour les petits, les pauvres et les exclus. À Noël, Dieu vient et se donne au monde dans la figure d’un enfant. C’est la manifestation de l’amour qui ne fera que croître jusqu’à la victoire complète sur le mal, la mort et le péché. « Il se dressera et il sera le berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu » (Mi 5,3).

L’Évangile d’aujourd’hui nous parle de Marie qui rend visite à sa cousine Élisabeth, devenue enceinte du futur Jean Baptiste. Elle y va pour l’aider mais aussi pour partager sa joie. Jean Baptiste tressaille déjà d’émotion à l’approche de Jésus. Marie ne s’est pas préoccupée de sa propre fatigue. Luc nous dit qu’elle y est allée « en toute hâte » (Lc 1,45). Elle a beaucoup marché pour rejoindre Élisabeth. Il y a environ 160 kilomètres entre Nazareth et la maison d’Élisabeth. Marie ne se contente pas de faire le tour du pâté de maisons pour rendre visite à une parente. Elle a parcouru ce long chemin pour lui apporter son aide sur le plan matériel, psychologique et spirituel. Marie figure l’humanité accueillant Dieu sans réserve. Elle vient apporter Jésus à Élisabeth. Jean Baptiste tressaillant dans le sein d’Élisabeth est le signe de l’humanité qui s’éveille à la venue de Dieu dans le monde. Comme ces deux femmes, Noël nous invite à laisser tressaillir en nos cœurs l’allégresse devant la venue du Sauveur.

La Vierge Marie n’a pas changé. Si nous l’appelons, elle accourt toujours vers nous. Et Jésus est en elle ou à ses côtés. Oui, Marie vient à nous avec Jésus. À l’approche de Noël, elle nous invite à l’accueillir et à faire « tout ce qu’il nous dira » (Jn 2,5). Le même Jésus nous pousse, nous aussi, à aller vers les autres. Avec Jésus et Marie, nos visites deviennent des « visitations ». Cette bonne nouvelle doit nous remplir de joie. Chaque fois que nous rencontrons quelqu’un ou recevons une visite, c’est Dieu qui vient.

Noël, c’est précisément la bonne nouvelle annoncée aux pauvres, aux malades, aux prisonniers, aux personnes seules. Noël c’est Jésus qui est venu et qui vient pour sauver l’humanité. C’est en lui que nous trouvons la joie, la paix et l’amour. Noël c’est le commencement du don de Dieu.

Comme disciples du Christ et témoins de toutes ses bonnes œuvres, de son enseignement, de sa passion, de sa mort, de sa résurrection, de sa montée au ciel après sa résurrection selon la chair, les apôtres avec la puissance de l’Esprit Saint, envoyés par lui sur toute la terre, montrèrent aux hommes le chemin de la vie, en les détourner des idoles, de la fornication et de l’avarice, purifiant leurs âmes et leurs corps par le moyen du baptême d’eau et d’Esprit Saint : cet Esprit Saint qu’ils avaient reçu du Seigneur, c’est en le partageant et en le distribuant aux croyants qu’ils instituèrent et fondèrent l’Eglise.

Madeleine Delbrêl, apôtre de la ville d’Ivry-sur-Seine dans l’après-guerre communiste, a cette phrase très belle : de chacun de nos corps, « avec ses compromissions et ses douleurs, Dieu veut faire le corps d’un saint ». C’est l’histoire d’Élisabeth, et à un titre particulier celle de Marie Immaculée. Puisse-t-elle être aussi la nôtre : répondre à Dieu de tout notre être et le laisser sanctifier jusqu’à notre corps. Alors, en levant les yeux vers nous, les gens apercevront quelque chose de la beauté de Jésus.

En ce jour, nous pouvons supplier le Christ notre sauveur par ces paroles du compositeur Raymond Fau :

« Toi qui es lumière, toi qui es l’amour, mets dans nos ténèbres ton esprit d’amour ».

https://www.facebook.com/photo/?fbid=4333180840262361&set=a.1861319930781810

**********************************************************

Suppléments: Prières, témoignages, appels aux dons.

https://www.youtube.com/watch?v=8Eih0CPUyjs

Le LIBAN est à l’AGONIE!

https://association-notre-dame-mere-de-la-lumiere.s2.yapla.com/fr/campaign-7144/detail/secourons-le-liban-ndml/7144

Où est la joie?

Site Résurgence.

3ème dimanche de l’Avent — 17 décembre 2023

NB: Cliquez sur le titre en bleu que voici pour découvrir la Parole d’Evangile:

Évangile selon saint Jean 1, 6-8.19-28

Nous nous préparons à fêter Noël, c’est aujourd’hui le dimanche de Gaudete, le dimanche de l’Avent où spirituellement nous basculons de l’attente dans la joie. Et pourtant, partout dans le monde, ce ne sont que guerres qui éclatent et angoisses qui se répandent. C’est bientôt Noël, où trouver la joie ?

La conférence sur le climat à Dubaï, la COP28 qui se termine mardi, promet d’être encore un échec, démontrant par là qu’il n’y a toujours pas de volonté politique mondiale pour affronter sérieusement l’urgence climatique. Le pétrole est tellement stratégique à notre mode de vie que nous en sommes réduits à des négociations de boutiquiers, alors que les enjeux sont colossaux, tant des changements colossaux s’annoncent, avec leurs flots de souffrances, de malheurs et de réfugiés. Où trouver la joie quand nous gagne l’impression que nous allons droit dans le mur ?

Quant au regard des siècles, l’histoire de notre Humanité n’apparaît-elle pas comme un chapelet de pestes, de famines et de guerres, dont les dernières décennies présentent un condensé terrifiant ? Des guerres, des pandémies et des catastrophes climatiques. Deux mille ans que nous chantons « Il est né le divin enfant ! ». Et, à bien regarder l’état actuel du monde, avons-nous eu raison tout ce temps d’espérer la joie ? L’État de l’Église, désormais si vide, dont l’espérance ne parle plus à beaucoup de nos concitoyens, n’est-il pas un démenti à la joie que nous revendiquons ?

Où est la joie ? Quelle sera, cette année, la joie à Noël ? Celle d’un généreux repas de famille où l’on aura fait taire un court instant les médias qui nous inondent de catastrophes, de guerres et de souffrance ? Où trouver aujourd’hui la joie ?

Notez qu’à l’époque de Jean le Baptiste, ce n’est pas non plus la joie. L’occupation romaine est militairement violente et économiquement rude. Les élites juives auxquelles Jean appartient sont corrompues. Il renonce à une carrière toute tracée de prêtre au Temple de Jérusalem et va au Jourdain, pour crier que le peuple est actuellement au désert, qu’Israël a perdu son statut de Terre promise, de pays où Dieu règne – un peu comme le monde d’aujourd’hui. L’angoisse à l’époque est telle que les gens espèrent partout l’arrivée d’un libérateur, d’un Messie. C’est le propos de l’Évangile que nous venons de lire.

J’ai eu l’occasion, dans l’homélie pour le premier dimanche de l’Avent, de rappeler que le cycle de la Nativité que nous célébrons ne s’arrêtait pas à Noël, mais à l’Épiphanie qui célèbre la manifestation de Dieu au monde. Noël célèbre l’intime de la naissance du Christ ; l’Épiphanie sa reconnaissance par les hommes.

J’ai pu rappeler aussi, dimanche passé que, par le baptême, Jean proclame que la nouvelle Terre promise, le nouveau Temple où Dieu veut vivre, c’est désormais notre corps. Et que chaque traversée du désert, dans la mesure où nous la percevons comme un chemin vers cette présence intérieure de Dieu, est une route qui s’aplanit de joie. Dans les déserts arides de nos vies, notre âme parfois ténébreuse et encombrée peut toujours être une petite mangeoire où le Christ vient au monde. La véritable célébration de Noël ne peut se faire qu’en nous. C’est dans notre âme, au fond de notre cœur que se trouve la véritable joie de Noël, celle de la rencontre intime de Dieu avec l’Humanité. Et c’est de notre âme, à travers les élans de notre cœur que Dieu peut se manifester au monde aujourd’hui. Il ne s’agit pas tant de célébrer Noël que notre Noël ; l’Épiphanie que notre Épiphanie – Dieu qui naît et se rend visible aujourd’hui à travers nous.

Il n’y que la rencontre intime avec Dieu, qui procure la véritable joie, celle qui se maintient malgré les épreuves. Et il n’y a que la puissance de l’Esprit d’amour de Dieu qui nous permet d’affronter tous les défis du monde et même la mort. Relisez la première lecture, du Livre d’Isaïe, qui résume si bien cette joie, cette épiphanie de nos vies qui survient de la rencontre intime avec le Christ : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé. » « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. » Ils sont pourtant au désert, loin de tout réconfort, comme le Christ qui naît seul dans la nuit.

De même Marie, dont nous venons de rechanter le Magnificat, qui crie sa joie alors qu’elle se trouve enceinte d’une grossesse inexpliquée qui pourrait lui valoir la lapidation. C’est cette joie plus profonde que toute crainte que nous cherchons. Et Noël c’est quand elle surgit en nous. Et c’est l’Épiphanie quand elle surgit à travers nous.

Enfin, dans la Première lettre à Timothée, Paul nous donne de précieux conseils pour maintenir en nous cette joie. Je vais ressortir celui qui me semble essentiel : « N’éteignez pas l’Esprit ! » Si l’Église recommande tant de se prémunir du péché, c’est parce qu’il étouffe en nous la voix de l’Esprit Saint, et donc la voix de l’amour divin qui s’incarne, et donc la voix de l’espérance et donc la joie. Il y a aujourd’hui face aux maux du monde des chrétiens désespérés, ce sont ceux qui ont laissé les maux du monde étouffer en eux l’Esprit d’amour divin qui veut naître, l’Esprit de Noël, l’Esprit de toute Épiphanie.

Si nous croyons vraiment que le Christ a triomphé de la mort et si nous croyons tout autant que l’Esprit de Dieu veut vivre en nous, alors, quels que soient les aléas de la vie, les vicissitudes du monde ou les cataclysmes qui se présentent à nous, nous savons qu’en notre âme, si nous la déblayons de tout ce qui l’assombrit et l’encombre, se trouve l’Esprit d’un petit enfant qui rayonne de la pure joie d’aimer et qui a la prétention de sauver le monde à mesure qu’il s’incarne en nous. C’est le corps à corps de nos vies avec le Christ naissant qui procure au cœur la vraie joie.

Seigneur fais de nos vies, un Noël et une Épiphanie concrets, où ton Esprit s’incarne et rayonne sur le monde. Car il a tant besoin de ta joie …

— Fr. Laurent Mathelot OP

Possibilité de s’abonner.

https://resurgences.be/