« Caricatures de Mahomet » – Youssef Seddik

« Les musulmans ne devraient pas se sentir concernés »

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L'islamologue et philosophe tunisien Youssef Seddik.

Pour l’islamologue et philosophe tunisien, les musulmans doivent reconsidérer leur perception de leur histoire religieuse. Et soumettre les textes sacrés à un examen rationnel.

Le discours d’Emmanuel Macron sur le séparatisme a laissé les Tunisiens perplexes, puisque le président français les a cités pour illustrer la montée de l’islam politique et le recul de la laïcité. Ces propos ont été d’autant plus mal perçus que l’Occident a précisément soutenu les islamistes lors des Printemps arabes, notamment en Syrie et en Libye.

Entre temps, l’assassinat de Samuel Paty, puis l’attaque meurtrière de Nice, perpétrée par un jeune migrant clandestin tunisien, ont provoqué une sidération telle que le séparatisme islamiste est passé au second plan.À LIRE Dans un entretien à Al-Jazeera, Emmanuel Macron dit comprendre que les caricatures puissent « choquer »

Pourtant, la republication des caricatures du Prophète suscite toujours autant d’émotion que d’incompréhension dans les pays musulmans. Une blessure qui alimente un vif sentiment anti-français. Sans parti pris ni surenchère, l’islamologue et philosophe tunisien Youssef Seddik pointe, pour Jeune Afrique, les failles des uns et des autres.

Jeune Afrique : De nombreux pays arabes ont condamné la republication en France des caricatures du Prophète, considérant que c’est une atteinte au sacré…
Youssef Seddik : Il ne s’agit pas vraiment d’atteinte au sacré ; tout est parti du discours du président français, Emmanuel Macron, sur le séparatisme. Évidemment, il faut distinguer religion et terrorisme, surtout quand celui-ci donne lieu à des abominations plurisymboliques, comme cela a été le cas avec l’assassinat de Samuel Paty.

Il faut rejeter en bloc ces actes et les dénoncer haut et fort. Mais pour ce qui est de la position des pays musulmans au sujet des caricatures, je crois que nous devons reconsidérer complètement notre perception de notre histoire religieuse. Pas de notre religion, car la foi est personnelle, mais il s’agit d’interroger les époques et surtout la nôtre.

C’est-à-dire ?
Il n’est pas normal que partout dans le monde musulman, on enseigne le Coran à des enfants sans qu’ils comprennent de quoi il retourne. J’ai souvent soulevé cette problématique sans recevoir de réponse. Avant d’apprendre, il faut pouvoir comprendre. Cela est valable pour toutes les disciplines. Il est absurde qu’il en soit autrement.

Pour le Coran, c’est encore plus grave ; en apprenant des termes qui semblent solennels, on suggère que le texte est autonome, qu’il échappe à la réflexion et à l’examen rationnel, qu’il ne faut surtout pas s’interroger. Il est temps de faire une distinction entre le mythique et le discursif, comme l’a fait l’Occident. Quand on dit à des enfants que le bâton de Moïse s’est transformé en serpent, ils considèrent que c’est vrai. Si on leur dit que c’est une métaphore, on est traité de mécréant.

NOUS DEVONS PROCÉDER À UNE REFONTE COMPLÈTE DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE HISTOIRE