
Lecture du livre du prophète Amos. (Am 6, 1a.4-7).
« La bande des vautrés n’existera plus »
Ainsi parle le Seigneur de l’univers :
https://www.aelf.org/2025-09-28/romain/messe
Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Sion,
et à ceux qui se croient en sécurité
sur la montagne de Samarie.
Couchés sur des lits d’ivoire,
vautrés sur leurs divans,
ils mangent les agneaux du troupeau,
les veaux les plus tendres de l’étable ;
ils improvisent au son de la harpe,
ils inventent, comme David, des instruments de musique ;
ils boivent le vin à même les amphores,
ils se frottent avec des parfums de luxe,
mais ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël !
C’est pourquoi maintenant ils vont être déportés,
ils seront les premiers des déportés ;
et la bande des vautrés n’existera plus.
Evangile selon saint Luc. Chapitre 16 versets 19-31
En ce temps-là,
suite : https://www.aelf.org/bible/Lc/16
Jésus disait aux pharisiens :
« Il y avait un homme riche,
vêtu de pourpre et de lin fin,
qui faisait chaque jour des festins somptueux.
Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare,
qui était couvert d’ulcères.
Il aurait bien voulu se rassasier
de ce qui tombait de la table du riche ;
mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères.
Or le pauvre mourut,
et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham.
Le riche mourut aussi,
et on l’enterra.
Au séjour des morts, il était en proie à la torture ;
levant les yeux, il vit Abraham de loin
et Lazare tout près de lui.
Homélie du père Jacques Pineault.
Frères et sœurs, la liturgie de ce dimanche nous fait entendre encore une fois la voix du prophète Amos (Am 6,1a.4-7). Le prophète, c’est quelqu’un qui parle de la part de Dieu. Sa mission n’est pas d’enfoncer le pécheur dans son mal mais de l’appeler à se convertir. Aussi Amos se montre implacable envers la société corrompue de son temps. Il dénonce le luxe insolent des classes dirigeantes du pays, luxe qui les rend aveugles sur « le désastre du peuple » (Am 6,6). Il critique d’une manière virulente l’exploitation des pauvres par les riches et les puissants. Quand le droit et la justice sont bafoués, le pays court à sa perte. C’est connu !
Ces paroles très dures sont pourtant celles d’un amour qui ne veut que le bonheur de son peuple. Mais quand on aime, on se met parfois en colère. Dieu ne supporte pas qu’une petite minorité s’enrichisse au détriment des plus pauvres. Si Amos revenait, il dénoncerait tout notre gaspillage qui est une gifle à tous ceux et celles qui n’ont pas de quoi survivre. Dans son encyclique Laudato si’, le pape François nous invitait tous à une véritable conversion à propos du droit et de la justice.
C’est aussi l’appel que nous retrouvons dans l’Évangile de ce dimanche : il nous montre un homme riche qui fait bombance tous les jours. Son péché est d’ignorer le pauvre Lazare couvert d’ulcères devant son portail. Dieu ne peut pas tolérer cette situation dramatique. Il a créé le monde pour que tous les hommes y vivent ensemble et en frères. Il nous invite à partager les biens qu’il a créés en abondance. Il ne supporte pas qu’une infime minorité possède plus de la moitié des richesses globales. Entendons-nous bien : la richesse n’est pas mauvaise en soi. Mais elle peut nous entraîner au péché quand elle nous rend sourds et aveugles à la misère de notre monde. Les nouveaux pauvres sont de plus en plus nombreux dans nos villes mais aussi dans nos campagnes. Ils ont besoin d’une aide matérielle, oui, bien sûr. Mais ils attendent surtout que nous les regardions et que nous leur parlions.
Le péché du riche, c’est qu’il n’a pas vu. Ses richesses lui ont fermé les yeux, bouché les oreilles et fermé le cœur. C’est absolument dramatique parce que c’est son avenir éternel qui est en jeu : il n’y aura pas de séance de rattrapage ; la mort lui aura enlevé toutes les richesses qui l’aveuglaient et lui rendra la vue ; ce jour-là, il ne pourra plus repartir à zéro. L’Évangile nous parle d’un grand abîme entre lui et Lazare ; cet abîme infranchissable, c’est lui, le riche, qui l’a creusé. Cette solitude dans laquelle il se trouve, c’est lui qui l’a organisée. Il s’y est complètement enfermé. Maintenant, personne ne peut rien pour lui. Cet abîme perpétue celui que le riche, dans son aveuglement, avait creusé avant sa mort entre les pauvres et lui.
Ça donne des frissons, mais il nous faut recevoir cet Évangile comme un appel pressant à nous convertir. Le Seigneur compte sur nous pour que nous ouvrions nos yeux, nos oreilles et surtout notre cœur à tous ceux et celles qui souffrent de la précarité, du mépris et de l’exclusion. Nous ne devons pas attendre qu’une apparition vienne nous dire qui est Lazare et où le trouver : il est à notre porte, même s’il habite au bout du monde. Si nous ne le voyons pas, c’est que nous sommes aveugles. Il devient urgent de combler les ravins d’indifférence, de raboter les montagnes de préjugés et d’abattre les murs d’égoïsme.
La grande priorité, c’est de construire des ponts, de tracer des routes et d’aller à la rencontre des autres. Le Christ est là pour nous accompagner, car il sait bien que c’est au-dessus de nos forces personnelles. Sa grande mission a été de réconcilier les hommes avec le Père mais aussi entre eux. Il nous veut unis à lui et entre nous. C’est le grand commandement qu’il nous laisse : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13,34). Nous n’aurons jamais fini de nous ajuster à son regard d’amour sur les personnes qui nous entourent. C’est pour tous que le Christ a livré son Corps et versé Son sang.
Dans sa lettre à Timothée (1 Tm 6,11-16), saint Paul nous dit avec finesse que nous serons jugés sur nos actes : s’emparer de la vie éternelle, c’est mener le combat de la foi, c’est-à-dire se montrer doux, juste, aimant et persévérant. À travers son disciple Timothée, c’est à chacun de nous qu’il s’adresse. Il nous invite « à garder le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, et irréprochable jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Tm 6,14).
Ne vous est-il jamais arrivé de détourner le regard d’un pauvre ? ou de détourner vos pas ? … Ne vous est-il jamais arrivé de vous inventer une de ces raisons que l’on invente pour ne pas donner de l’argent à ceux qui nous mendient ? … « Elle va le boire ». « Il va s’acheter de la drogue ». Sans parler de la légende urbaine du mendiant qui a refusé le sandwich qu’on lui tendait. Comme si un pauvre devait toujours manger la nourriture que d’autres choisissent pour lui… Je me souviens d’un responsable de banque alimentaire qui me disait recevoir des riches beaucoup de cans de petits pois verts, mais pas de viande, ni d’œufs, ni de lait, ni de fromage. Que dire alors de ceux qui ne supportent pas de voir la pauvreté à leur porte ? Pas de colporteurs ! Je sais que parfois, on n’en peut plus de voir la souffrance.
Toutes les pauvretés reflètent un manque d’amour. Ça ne veut pas dire que c’est le manque d’amour qui les cause toutes. Tous, nous sommes nés nus et pauvres, et nous serions morts si, par amour, quelqu’un ne nous avait pas nourris et soignés. Il y a une pauvreté naturelle de l’humanité. Et comme le Pape François l’a rappelé : « Un linceul n’a pas de poches » ; nous n’emportons rien dans la mort, sinon l’amour dont notre cœur sera rempli.
La pauvreté est toujours un creuset pour l’amour et c’est parce qu’ils reflètent notre dureté de cœur que nous ne voulons pas voir les pauvres qui nous entourent. A cet égard, ils cristallisent comme un caillou piquant le commandement d’aimer de Dieu. Et c’est d’abord sur celles et ceux que nous pouvons aider mais que nous essayons de ne pas voir, qu’achoppe notre refus de Dieu. La parabole que donne le Christ est très sévère à cet égard. « N’est méritoire que ce qui n’est pas fait en vue d’une récompense » (Sainte Édith Stein).
Sans doute l’avez-vous remarqué, la parabole ne donne pas le nom du riche ; seulement celui du pauvre. Je n’ai pas fait grand-chose d’humain en donnant à un pauvre de quoi manger, si je n’ai même pas pris la peine de demander son nom. Comme Dieu, connaissons-nous le prénom des pauvres sur notre seuil ? Il s’appelait Lazare, ce qui signifie « Dieu m’a aidé ».
L’Eucharistie qui nous rassemble nous annonce un monde où il n’y aura plus de pauvres. Dans ce monde nouveau, tous, riches et pauvres se retrouveront à la même table ; ils partageront ce qu’ils possèdent. Personne n’y manquera du nécessaire. Tous auront assez pour entrer dans la fête. Le monde que l’Eucharistie annonce, c’est celui-là même que le Christ est venu instaurer. Rendons-lui grâce et prions les uns pour les autres : c’est une aumône que chacun peut faire.
Père Jacques Pineault
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Association Lazare.

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